Camp de vacances

Judith (nom imaginaire) était très mal d’avoir inscrit son fils cadet en camp de vacances. Deux jours avant d’aller le chercher, elle en avait des crampes au ventre.

Judith : Je me rends bien compte que je projette sur mon fils ma propre histoire, quand j’étais moi-même en colonie de vacances. J’avais 5 ans et on m’y avait inscrite pour 3 semaines. Normalement, on pouvait y aller qu’à partir de 6 ans, mais mes parents étaient amis avec les directeurs et ma sœur de 10 ans venait aussi. Du coup, mon inscription avait été acceptée.

Praticien : Qu’est-ce qui était le plus douloureux pour vous pendant cette colonie ?

Judith : Je me souviens que je n’arrêtais pas de pleurer, j’étais inconsolable.

Praticien : [validation non verbale (NV)] Vous pourriez mettre votre attention sur cette fillette ?

[Pour mettre une distance, nous parlerons de « cette fillette » et non de « vous » afin que la personne ne redevienne pas « la petite fille de 5 ans ».]

Judith : Oui, elle est là. Elle pleure, elle est inconsolable.

Praticien : Vous pourriez lui dire que vous mesurez à quel point elle est triste ?

[!? : permet de ponctuer la reformulation. Affirmation reconnaissante, mais légèrement interrogative.]

Judith : Elle me regarde, c’est comme si c’était un fantôme, et en même temps, elle regarde dans le vide. Je sens que c’est comme si sa vie était finie. C’est la fin du monde pour elle. Comme si on l’avait abandonnée et que du coup, elle n’existe plus.

Praticien : Vous pouvez lui dire : « C’est comme si ta vie était finie, parce que tes parents ne veulent plus de toi !? »

Judith : Elle me regarde, mais ce que je viens de lui dire ne lui fait rien. Elle est toujours comme un fantôme. J’ai l’impression qu’elle ne comprend pas ce qui lui arrive. C’est comme si on ne lui avait rien expliqué, elle ne comprend rien. Et quand je vous dis cela, je sens qu’elle s’éveille un peu. Comme si c’est bien cela qu’elle attend, qu’on mette de la compréhension.

Praticien : Ok… Merci ! Alors on va lui expliquer ce qu’est une colonie de vacances et que ses parents ne l’ont pas inscrite dans ce camp pour se débarrasser d’elle, mais juste pour qu’elle aie de chouettes occupations pendant l’été et qu’ils reviendront la chercher à la fin des trois semaines. Vous pouvez lui dire cela ?

Judith : Elle vous a entendu et elle s’est complétement réveillée. Elle a l’air très soulagée. Elle sourit et elle semble avoir envie d’aller jouer.

Praticien : Avant qu’elle parte jouer, est-ce que vous pourriez lui demander si elle aurait besoin que ses parents entendent quelque chose qu’elle aurait à dire ?

Judith : Non, c’est OK pour elle. Mais moi je fais un lien. J’ai toujours pensé que je devais tout savoir. Comme si je devais tout savoir, sans même qu’on m’explique, comme si tout coulait de source, comme si tout est évident. Et je comprends que ça a un lien. Ca devait être tellement évident que mes parents reviendraient me chercher qu’ils n’ont même pas pensé le dire à la petite fille que j’étais.

Praticien : [validation (NV)] On peut aborder cette nouvelle problématique qui en découle, mais avant vous pourriez demander à la fillette comment elle se sent ?

Judith : Elle est partie jouer, tout est OK pour elle maintenant qu’on lui a expliqué que ses parents reviendront la chercher.

Praticien : Génial ! Et vous, comment vous sentez-vous ?

Judith : Je suis ravie d’avoir compris pourquoi j’ai tant pleuré quand j’étais en colonie. Un simple manque d’explications et le monde de la petite fille que j’étais s’est écroulé. Je comprends aussi pourquoi dans ma vie, je cherche tant à tout comprendre, pourquoi j’ai tant de mal à faire confiance à ce qui est. Mon monde risque de s’écrouler, c’est juste énorme !

Praticien: Merci infiniment d’avoir partagé cela avec moi.